Ecole Emancipée  FSE Florence / Rencontres FESAL_E du 8 novembre 02

I) INTERVENTION EN PREAMBULE GEORGES MUCHA
Notre camarade, Georges Mucha, ne sera pas avec nous ce matin. A notre
Collège de septembre, il avait été volontaire pour faire partie de la
délégation E.E au FSE et à cette réunion pour la FESAL-E. Dans l'intervalle,
Georges est mort, victime de la Précarité, avec un grand P, dont nous ne
devons pas oublier qu'elle est dans les faits pour ceux qui la subissent la
« précarisation » avec un petit p, un processus vécu tous les jours, et
auquel il n'a pas résisté.
En France, un travailleur sur cinq dans l'Education est un non-titulaire.
Georges est une victime de cette nouvelle forme d'emploi qui a inventé le
travailleur « jetable ». Car la marchandisation de l'Education, c'est aussi
un nouveau mode de gestion des « ressources humaines ». Et comme il y a des
« parcours professionnels », il existe en parallèle des « parcours de la
précarité », plus ou moins chaotiques, mais jamais réussis. Derrière des
euphémisme comme « non-renouvellement », « fin de fonction », « profils de
poste », adaptation au projet », il y a la réalité crue des faits : on
prend, on utilise, on jette, on reprend si nécessaire . Certains craquent
comme dans les jeux télévisés et ne reviennent pas : ils n'avaient pas le
profil .
Le grand refus collectif de la précarité et du système d'éducation qui l'
organise est un des grands chantiers de la FESAL-E que nous cherchons à
construire ensemble. Cette journée de travail à laquelle Georges avait prévu
de se joindre est aussi à lui. Merci.

II) L'INTERVENTION EE DU MATIN
LE PROJET SYNDICAL DE L'ECOLE EMANCIPEE
L'E.E n'a pas pu être présente « es-qualité » à Grenade pour un problème d'
organisation, mais représentée tout de même par des camarades de
Sud.-Education. Pour nous présenter rapidement, l'E.E est une tendance
intersyndicale révolutionnaire « historique » du syndicalisme français qui
se définit à la fois par une revue (publiée depuis 1910) et l'intervention
de ses militants/tes à la base dans les luttes et les mouvements sociaux, et
par les positions qu'elle défend dans les différents syndicats de l'
éducation, de la recherche et de la culture où elle intervient. L'EE refuse
la bureaucratie et le syndicalisme de sommet, c'est à ce titre qu'elle a été
amenée à s'associer au projet de construction d'un syndicalisme alternatif
européen de la FESAL.E.

Le contexte actuel est celui d'une mutation du système capitaliste, marquée
par une rupture avec les structures productives qui s'étaient créées après
1945, ce qui nécessite pour la bourgeoisie une restructuration de tout le
système de relations sociales, en particulier le système éducatif.
Actuellement il y a un consensus social pour s'accorder à dire que l'
Education et le savoir ont un rôle de plus en plus stratégique.

Face à cela, trois stratégies possibles pour le syndicalisme :
1) accompagner le libéralisme, y compris pour la conception de l'Education.
Dans cette perspective, il y a nécessité de former des travailleurs
flexibles et capables de s'adapter à un contexte où les droits du travail
sont très limités : précarité, casse des statuts etc.
Cette conception du système éducatif se caractérise par la décentralisation,
l'autonomie concurrentielle des établissements, la définition locale des
horaires et conditions de travail, etc.

2) défendre le statu quo, sur la base du refus du libéralisme et la défense
des services publics, mais sans opposer de projet éducatif propre et en
restant défensifs.
Cette stratégie débouche sur la défense des seuls travailleurs statutaires
et se caractérise par l'aspect catégoriel et peu de pratiques
interprofessionnelles, ainsi que la volonté de rester dans un système de
dialogue social classique, que les groupes dominants eux-mêmes ne
recherchent plus. (C'est le projet notamment de bureaucraties syndicales
comme en France la FSU/ Fédération Syndicale Unitaire)

3) relancer le syndicalisme de luttes (notre conception à l'E.E et dans le
cadre de la FESAL.E) pour changer à la fois la société (et l'Ecole) et le
syndicalisme. Dans cette perspective :
- défense des catégories les plus attaquées par le libéralisme :
titularisation sans condition des travailleurs précaires etc.
- nouvelles pratiques syndicales : construction de mobilisations
inter-catégorielles (syndicats généraux au lieu de syndicats de catégories),
développement des luttes interpro.
- mise en place de pratiques syndicales démocratiques et auto-gestionnaires
: les enseignants doivent maîtriser collectivement leurs conditions de
travail, nous combinons ainsi liberté pédagogique et opposition aux
hiérarchies.
- une particularité française que nous pensons intéressante dans la
perspective d'une autre construction européenne : la laïcité, garantie de
liberté intellectuelle par le refus des tutelles cléricales comme
patronales, pour un service public unifié et égalitaire
- pour une autre éducation : nous voulons dépasser les hiérarchies
professionnelles, la division entre les métiers et les professions, car nous
sommes pour une société égalitaire. Aussi notre perspective est-elle une
éducation polyvalente et polytechnique pour tous.

III) CANEVAS DE L'INTERVENTION DANS LE DEBAT DE L'APRES-MIDI
L'intervention de la camarade sur l'insuffisance de prise en compte de l'
expérience de l'enseignement supérieur nous rappelle que les compétences
européennes en matière d'Education qui portaient auparavant sur les seuls
enseignements supérieurs et formation professionnelle ont été désormais
élargies à l'ensemble de la formation initiale de la maternelle à l'
université. Ceci est une leçon qui attire notre attention sur l'importance
des « secteurs pilotes » laboratoires de la marchandisation qui doivent
avoir notre priorité. Je citerai ainsi dans ce que nous avons abordé : la
précarité, la question du temps de travail, mais aussi le développement du
« sécuritaire ».
Il nous faut désormais mettre les paroles en musique et prouver le mouvement
en marchant. Construire une alternative : savoir ce que c'est, ce que ça
signifie, ce que ça implique.
Nous n'avons pas les forces pour opposer à la CES une contre-fédération
européenne des syndicats, et si nous les avions ce serait une erreur car
nous entrerions dans des logiques d'appareils. Le programme qui nous a été
résumé hier soir par la représentante de la CES « une économie sociale de
marché » n'est pas le nôtre. Nous n'avons pas à nous sentir « petits » parce
que construire un syndicalisme alternatif à la base, c'est commencer à la
base, c'est travailler sur le terrain des luttes.
Mais il ne faut pas trop attendre ; le discours actuel très convaincant de
dénonciation des mécanismes de la mondialisation sur ce Forum social en
reste à l'incantation : qu'est-ce qu'on fait concrètement ? les mêmes qui
nous tiennent ces discours ont aussi compris que la recherche proclamée d'
une alternative syndicale devenait un fonds de commerce intéressant. Ils
vont de nouveau tenir sur ce point un discours tout aussi convaincant . qui
va servir à nous ôter les mots de la bouche.
Disposer d'un document commun est une proposition intéressante, mais il faut
aussi mener chacun des luttes sur ces bases en faisant référence à celles
qui se conduisent dans les autres pays. Par ailleurs pour notre prochaine
rencontre en décembre à Paris, nous avons déjà dans les débats d'aujourd'hui
de quoi recenser pour établir un premier état des lieux, mais nous devons
aussi nous fixer sur ces bases un programme de travail.

NICOLE DESAUTELS - ECOLE EMANCIPEE - FRANCE